Kaydara – L’interviewKaydara , un travail titanesque abattu pour ce qui est le fan film le plus ambitieux jamais fait, six ans de post production, 52 minutes de film, plus de 1000 plans truqués… et tout ca réalisé par deux mecs paumés au milieu des montagnes et des vaches, armés juste de leur bite, de leur couteau et de deux ordinateurs. Un gage de courage que d’arriver jusqu’au bout d’un tel projet…
Mais ce qui est encore plus impressionnant, c’est le résultat final. Ambitieux, doté d’une mise en abyme avec un film dans le film pendant ses 10 premières minutes (qui peuvent sembler désarçonnantes pour ceux qui ne connaitraient pas déjà Ratrix)… et puis c’est le miracle. Le projet se permet des effets spéciaux hallucinants, des scènes de combat spatial, une doublure de Neo efficace, un vrai scénario et une ambiance du matériau d’origine ultra respectée. Des points négatifs ? Oui bien sûr, quelques uns, forcément… comment ne pourrait-t-il pas y en avoir quand on se lance tête baissée dans un tel projet ? Mais ce n’est rien comparé à ce tour de force magistral que je vous prose de découvrir ci-dessous, accompagné en prime d’une interview des deux réals. Enjoy !
Pouvez-vous présenter en quelques lignes ?
Raphaël : je suis le co-réalisateur de kaydara et l’initiateur à la base de cette galère (rires)…
Savitri : je suis co-réalisateur aussi sur ce film… et je fais notamment aussi l’acteur en interprétant Iad, le frère de Kaydara.
Comment vous êtes vous connus tous les deux ?
Raphaël : On vient des Hautes-Alpes, là bas les gens sont plus passionnés de sport que de cinéma… Aussi il est dans un sens plus simple de croiser le petit nombre de personnes qui partagent le même engouement que nous… Savitri faisait des petits films dans son coin et moi aussi, on a eu l’occasion de voir respectivement le travail de chacun avant de prendre contact…
Comment avez vous eu l’envie un jour de faire Kaydara ?
Raphaël : je crois que j’ai effacé de manière inconsciente ce moment de ma mémoire (rires)… Blague à part, nous voulions simplement faire une sorte d’exercice de style, nous confronter à plus fort que nous en reprenant un univers culte. Par ailleurs le choix de Matrix était intéressant car au niveau du cinéma de genre c’était déjà un univers qui était gorgé de très nombreuses influences. Aussi cela nous permettait de nous exercer à tout un tas de styles (mettre en scène des arts martiaux, des vaisseaux spaciaux, etc…)… En 3 semaines le film avait été scénarisé, préparé et tourné… Personne ne savait alors et encore moins Savitri et moi-même que nous allions passer 6 ans à travailler sur la post production.
Pourquoi l’univers de Matrix et pas un autre ?
Savitri : Nous ne sommes pas des fans de matrix mais nous respectons beaucoup le travail des wachowskis. Ils ont réussis à l’époque à retranscrire en film ce qu’on voyait habituellement exclusivement dans les dessins animées : les mangas plus particulièrement. En reprenant Matrix tu t’attaques à tout un courant du cinéma de genre comme Raphaël l’a dit plus haut, de Alien à Terminator en passant par les films de bruce lee, etc… il y a de quoi faire…
Raphaël : par ailleurs à l’époque quand on a commencé Kaydara, Matrix était une référence au niveau technique cinématographiquement parlant (il l’est certainement encore aujourd’hui à de nombreux niveaux) donc si nous arrivions un peu à tenir la distance on savait qu’on gagnerait une certaine crédibilité auprès des professionnels.
En faisant Ratrix saviez vous déjà que vous feriez Kaydara derrière ?
Savitri : C’est une erreur, nous avons fait kaydara d’abord, ratrix s’est fait dans la post prod de Kaydara. S’il a été diffusé avant la sortie de Kaydara c’est que nous l’avions fini bien avant de finir le film dans son ensemble. Comme il avait un caractère indépendant on a décidé de le diffuser en amont pour faire un peu parler de nous… cela a été positif car ça nous a permis de garder un petit lien avec la « réalité » (rires).
Quels ont été les retours sur Ratrix ?
Raphaël : Très bon, il est passé dans beaucoup de festivals, a eu des prix, on en a parlé dans des magazines, il a été diffusé sur des chaines de TV en France et à l’étranger…
Comment a évolué le projet au fil de ces six années ? Ce que nous voyons aujourd’hui est-il ce que vous aviez prévu initialement ?
Savitri : Dans un sens tout était écrit dans le scénario… Mais c’est vrai qu’on a été certainement un peu naïf. Notre ambition était peut-être un peu trop grande et on l’a payée cher par la suite… Nous avions des idées sur tout mais nous n’avions jamais fait ce genre de choses à ce niveau là… donc quand il a fallu réaliser ce qu’on avait prévu on a du vraiment s’investir pour trouver les moyens d’arriver à nos fins… C’est un boulot d’autodidactes, on trouve les moyens en fonction de nos besoins. On s’est formé ainsi et la qualité de nos images a évolué en même temps que nous nous formions sur le tas. Le problème c’est qu’on a donc passé des années pour arriver à finaliser les plus de 1000 plans du films.
Qu’est ce qui peut motiver 2 mecs à se lancer seuls avec leurs pcs pour faire quelque chose de si complexe ?
Raphaël : La passion mêlée à l’inconscience… On n’avait pas prévu de passer autant de temps sur ce projet. Si on avait su peut-être nous ne l’aurions pas fait… Mais le truc c’est que nous nous sommes emprisonnés dans notre propre « connerie ». Une fois le projet commencé on n’a jamais pu l’abandonner… on avait besoin d’aller au bout…
Vous n’avez jamais été découragé devant l’ampleur de la tâche ?
Raphaël : Tous les jours (rires)… C’est dépriment d’être en prison… mais quand on a un but les choses finissent par se faire…
Avez vous du négocier ou eu des difficultés pour travailler sur la licence matrix ?
Savitri : là où c’est encore absurde pour certains, c’est que ce film n’a aucune ambition commerciale. Nous reprenons un univers qui ne nous appartient pas donc on ne peut pas en profiter financièrement parlant. De ce point de vu là, on ne peut pas nous reprocher grand-chose… L’ironie c’est que certains distributeurs professionnels nous ont pris au sérieux et nous ont proposé de vendre le film comme une vraie production… on a du refuser…
Quelles difficultés avez vous rencontré ?
Savitri : la difficulté c’est qu’on a une ambition professionnelle mais qu’on travaille avec des amateurs… Du coup c’est horrible, on doit tout faire nous même, sans cesse expliquer au gens ce qu’ils doivent faire… ces derniers te rendent services mais ils n’ont pas forcément l’envie ni le talent de faire ce que tu leur demande. Donc cela te vide de ta propre énergie car tu dois sans cesse toi même redoubler d’efforts pour palier à ça…
Raphaël : Tout était difficulté, donc je citerais simplement un exemple qui nous à couté des années de travail : le détourage du film par la technique du rotoscoping . Un travail qui aurait du être confié à des dizaines de personnes mais que nous avons subis essentiellement à 2 avec Savitri…
Quel était votre degré de connaissances techniques en vous lançant ?
Raphaël : On avait chacun de notre coté fait nos petites expériences. Savitri faisaient des maquettes depuis des années et un peu d’infographie… Moi j’avais eu la possibilité de m’expérimenter au cadre et au montage sur des projets institutionnels… Mais dans tout les cas nous mettons encore en avant le coté autodidacte. Pour nous kaydara a été une véritable école.
Qu’est ce que vous avez pu apprendre en faisant le film ?
Savitri : la 3D, filmer des maquettes, construire une scène d’action, faire jouer l’acteur au maçon du coin (rires)…
Raphaël : faire un film est à mon sens une expérience humaine, pour aller au bout d’un tel projet il faut savoir générer une force qui poussera les gens à aller au bout avec toi… En faisant ce travail on apprend à travailler en équipe (même quand celle-ci se limite parfois à 2 personnes) et on apprend à se connaître soi- même…
Si c’était à refaire, que changeriez vous ?
Raphaël : Enormément de choses… En fait on est partie sur de mauvaises bases… on a tourné trop vite et trop mal un film qu’on a du restaurer pendant des années. Puis on a appris tellement de choses pendant tout ce temps… Honnêtement, si on refaisait le film maintenant je pense qu’on mettrait 2 fois moins de temps et avec un rendu final bien plus impressionnant…
Savitri : on devrait presque faire Kaydara 2 pour se le prouver (rires)…
Le film est disponible, le compteur de vues s’affole et les compliments pleuve. Alors, heureux ?
Raphaël : ça fait plaisir… mais sans vouloir rentrer dans une profonde psychanalyse nous ne pouvons pas dire que nous sommes vraiment heureux. En fait, on a l’impression d’avoir passé notre vie à faire ce film. Maintenant qu’il est terminé et que nous devrions souffler un peu, il nous semble néanmoins que tout reste encore à faire et à prouver…
Savitri : Kaydara était un entrainement… Maintenant il faut passer à une véritable production. Ce n’était qu’un exercice pour nous, nous ne le renions pas, nous en sommes en partie satisfait mais nous savons que nous marqueront vraiment l’essais en arrivant cette fois à concrétiser un projet vraiment personnel… et dans un cadre professionnel…
Maintenant que le film existe, que voulez vous en faire ?
Raphaël : C’est une carte de visite, il nous sert d’appuis pour avoir une certaine crédibilité au près des professionnels et ainsi tenter de monter un nouveau projet.
Savitri : Qu’il soit vu un max sur Internet, c’est cadeau. (rires)
Avez vous des retours de pros sur votre taf ?
Savitri : Oui , on envoie depuis 2 mois des dvd et invitons des pros en projection privée chez nous…ils sont très enthousiastes… ils ne comprennent pas trop comment on a fait ça…
Et maintenant, c’est quoi la suite du programme pour vous ?
Raphaël : On écrit un truc qui nous tient à cœur… on va tenter de rester maître des histoires qu’on raconte…
Savitri : parallèlement on essaye de rencontrer des gens, mais c’est difficile quand on est personne… Mettre un tel film sur Internet peut alors nous faciliter la tâche… on verra bien…
Qu’est ce que vous conseillerez à quelqu’un qui voudrait se lancer en suivant votre exemple ?
Raphaël : Faites confiance en la force (merde ça c’est Star Wars)… Prenez la pilule rouge sans hésiter, vous allez souffrir mais peut être qu’à la fin vous volerez comme superman…
Savitri : En attendant nous on vient de se réveiller dans le monde réel et pour l’instant on n’a pas encore dépassé le stade du vomi (rires).
Qui c’est le plus fort ? Neo ou Chuck Norris ?
Raphaël et Savitri : Chuck Norris bien sûr !!
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